Pactes Dutreil – Les commentaires de l’administration sur la réforme de 2019 soumis à consultation publique

L’administration fiscale a mis à jour sa doctrine des nombreux aménagements apportés au dispositif Dutreil « transmission » par la loi de finances pour 2019. Ces commentaires, dont la publication était attendue depuis plus de 2 ans, sont soumis à consultation publique jusqu’au 6 juin 2021 mais sont d’ores et déjà opposables. De nombreuses précisions inédites y figurent.

Pour rappel, la loi de finances pour 2019 contenait un certain nombre de mesures visant à renforcer le dispositif des pactes Dutreil à compter du 1er janvier 2019, parmi lesquelles :

  • l’ouverture du dispositif aux associés remplissant seuls les différentes conditions pour souscrire l’engagement initial de conservation (engagement unilatéral de conservation),
  • l’abaissement des seuils minimums de détention des droits financiers exigés pour conclure un pacte,
  • la prise en compte des titres détenus par le concubin notoire du redevable dans le cadre du mécanisme permettant de considérer un engagement réputé acquis en l’absence de conclusion d’un pacte préalablement au décès,
  • la limitation de la remise en cause du dispositif en cas de vente ou de donation des titres par le donataire, l’héritier ou le légataire à un associé partie à l’engagement collectif de conservation aux seuls titres ayant été cédés,
  • la possibilité, pour les associés sous engagement unilatéral, collectif ou individuel de conservation de réaliser, sous conditions, des apports partiellement rémunérés par la prise en charge d’une soulte consécutive à un partage et des apports purs et simples sans que leur soit opposée la déchéance du régime,
  • la non remise en cause du dispositif dans le cas où des échanges de titres sous engagement sont réalisés dans le cadre d’une offre publique d’échange préalable à une fusion ou une scission.

Note : Nous vous proposons une synthèse des principaux apports des commentaires administratifs, très denses.

Sociétés unipersonnelles

L’administration a tout d’abord précisé que les sociétés unipersonnelles ne sont plus assimilées à des entreprises individuelles pour l’application du régime Dutreil. Elles ne relèvent donc plus (pour les transmissions intervenues à compter du 6 avril 2021) du dispositif applicable aux entreprises individuelles mais de celui prévu pour les transmissions de parts et actions de sociétés, répondant à des conditions d’application distinctes. Ce « transfert » est la conséquence de la possibilité offerte à leurs associés, depuis le 1er janvier 2019, de souscrire un engagement unilatéral de conservation.

Activité exercée par la société

La doctrine, qui faisait jusqu’alors référence aux développements concernant l’ISF pour déterminer les activités éligibles dans le cadre du dispositif Dutreil, renvoie désormais aux précisions intéressant l’IFI. Il s’ensuit notamment que les activités de location de locaux meublés à usage d’habitation sont désormais considérées, au même titre que les locations nues, comme des activités de gestion -pour la société- de son propre patrimoine immobilier et sont, à ce titre, exclues du dispositif Dutreil. Il en va de même des activités de location d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaires à leur exploitation.

Note : L’administration a par ailleurs profité de cette mise à jour pour tirer les conséquences de l’annulation, par le Conseil d’Etat, de ses précédents commentaires relatifs aux critères d’appréciation de la prépondérance de l’activité des sociétés ayant une activité mixte (voir notre précédent article), en décidant de déclasser ces conditions d’appréciation au rang de simple règle pratique.

Fonction de direction

S’agissant de l’exercice de la fonction de direction au sein de la société, laquelle doit être respectée jusqu’au terme des différentes périodes d’engagement (unilatéral ou collectif, et individuel), l’administration indique qu’elle doit être effectivement exercée :

  • jusqu’à la transmission, par un associé signataire de l’engagement unilatéral ou collectif de conservation,
  • puis, à compter de la transmission, soit par l’un des héritiers, légataires ou donataires qui a pris l’engagement individuel de conservation, soit par un associé signataire de l’engagement unilatéral ou collectif de conservation et encore tenu au respect de cet engagement.

Elle en conclut que la direction de la société doit donc nécessairement être assurée par l’un des héritiers, légataires ou donataires dès lors que l’ensemble des titres soumis à engagement ont été transmis. Ce ne sera que dans le cas où le donateur, ou tout autre associé signataire de l’engagement, détient encore des titres soumis à un engagement de conservation que la prise de fonction par l’un des héritiers, légataires ou donataires pourra être ajournée.

Apport des titres à une société holding

En présence de sociétés holding, les participations doivent rester inchangées à chaque niveau d’interposition pendant toute la durée de l’engagement (unilatéral ou collectif, et individuel). L’administration précise que cette exigence s’applique également aux héritiers, donataires et légataires.

Elle ajoute quelques précisions concernant les apports purs et simples et les apports partiellement rémunérés par la prise en charge d’une soulte consécutive à un partage, lesquels sont autorisés, par exception aux autres types d’apports, depuis le 1er janvier 2019 :

  • pour l’appréciation du seuil de 50 % de l’actif (la valeur réelle de l’actif brut de la société bénéficiaire devant, pour rappel, être composée à plus de 50 % de titres représentatifs de la société ayant fait l’objet de l’apport), il convient de prendre en compte la valeur vénale des seules parts ou actions de la société soumises à engagement de conservation (aussi, en cas d’apport à une même société holding de participations directes et indirectes dans une même société, soumises à un même engagement de conservation, l’administration admet qu’il soit tenu compte de l’ensemble de ces participations pour l’appréciation du respect de ce seuil de 50 %) ;
  • eu égard à la condition tenant à la détention des 3/4 au moins du capital et des droits de vote de la société bénéficiaire de l’apport par les associés signataires ou bénéficiaires du pacte, ce seuil de 75 % s’apprécie :
    • au cours de l’engagement collectif ou unilatéral de conservation, en tenant compte des titres détenus dans la société bénéficiaire de l’apport par l’ensemble des personnes soumises à cette obligation de conservation, qu’elles soient signataires ou héritiers, donataires ou légataires bénéficiaires de l’exonération,
    • au cours de l’engagement individuel de conservation, en tenant compte des titres détenus dans la société bénéficiaire de l’apport par les seules personnes soumises à cet engagement individuel de conservation (en conséquence, les titres détenus par les donateurs initiaux ou par les signataires de l’engagement collectif ou unilatéral de conservation ne sont pas pris en compte dès lors que ceux-ci ne sont plus tenus de les conserver) ;
  • la société bénéficiaire de l’apport doit être dirigée directement par l’un des signataires de l’engagement, ou par l’un des héritiersdonataires ou légataires bénéficiaires de l’exonération durant l’engagement collectif ou unilatéral de conservation, et par l’un des bénéficiaires de l’exonération pendant la période d’engagement individuel de conservation. L’administration précise par ailleurs que cet apport n’a pas, par lui-même, pour effet de prolonger la durée exigée pour l’exercice de la fonction de direction dans la société dont les titres font l’objet du pacte Dutreil.

En ce qui concerne plus particulièrement les apports partiellement rémunérés par la prise en charge d’une soulte consécutive à un partage, l’administration a apporté plusieurs précisions :

  • il n’est pas exigé que l’apport soit réalisé par l’ensemble des bénéficiaires de la transmission à titre gratuit,
  • l’existence d’une donation avec réserve d’usufruit ne fait pas obstacle à l’application de ce régime de faveur, sous réserve toutefois que les droits de vote du donateur demeurent limités aux seules décisions concernant l’affectation des bénéfices,
  • rien ne fait obstacle à ce que la société bénéficiaire de l’apport regroupe des héritiers, donataires ou légataires de plusieurs signataires de l’engagement collectif de conservation,
  • la société qui bénéficie de l’apport est autorisée à avoir une activité mixte, sous réserve que la valeur réelle de son actif brut soit composée à plus de 50 % de participations soumises à engagement de conservation (dans cette limite, elle peut donc détenir des actifs tels que des participations dans d’autres sociétés, contrôlées ou non, ou des liquidités).
  • Source : BOFiP-Impôts, ENR – Consultation publique – Précisions sur les assouplissements des conditions prévues à l’article 787 B du CGI, 6 avr. 2021